lundi 7 septembre 2009

Le journal La Presse et la dépendance de sentier.

La presse

«La direction de La Presse suspendra la production de son édition papier et de cyberpresse au 1er décembre si elle ne s'entend pas sur un nouveau modèle d'affaires avec son personnel. Survol des événements des dernières semaines. » - Source: Les Affaires

C’est en ces termes que j’ai appris que le journal qui m’accompagna depuis ma tendre enfance était très mal en point. Ce ne fut pas une surprise, La Presse ayant cessé de publier son édition dominicale dernièrement, les signaux étaient très clairs quant à la santé de l’entreprise.

Bien que je ne sois pas surpris de la nouvelle, je n’en suis pas moins déçu. La disparition de cette institution serait vraiment déplorable.

Parlant de choses déplorables, tel fut mon sentiment à la lecture des premières réactions suite à l’annonce de la direction de la Presse. Cécile Gladel brosse un portrait assez complet des différents points de vue. Le modèle québécois à son meilleur!

Les uns se demandant si Gesca est vraiment honnête. Perdent-ils réellement de l’argent? Peut-être que c’est seulement un « bluff »? La situation budgétaire est-elle si dramatique? Les autres réduisant le dossier à un simple exercice de négociation ramenant de ce fait, les arguments traditionnels des relations patronales-syndicales tendues. Pour finir, il y a ceux qui refusent de pleurer le sort de gens « si riches ».

Il y a quelqu’un dans la salle pour faire remarquer que La Presse se trouve au milieu d’une crise mondiale touchant les médias traditionnels? Que de ce fait, il est essentiel d’élever le débat au dessus de la tête de Gesca pour comprendre les causes d’une crise beaucoup plus importante. Si seul le journal La Presse était en difficulté, je comprendrais que l’on s’attarde à sa situation particulière. Mais au nombre de journaux en péril à travers la planète, il me semble assez évident que le problème est ailleurs. Pouvons-nous arrêter de nous chamailler et envisager la situation sous un autre angle?

Nous le savons tous, le problème qui affecte les journaux traditionnels est lié à la montée de l’internet qui produit de nouveaux modes de distribution de l’information. J’entends ici, l’information sous toutes ses formes. La popularité grandissante des médias sociaux (Facebook, Twitter, etc.) a surmultiplié le phénomène. Ce faisant, les revenus publicitaires sont divisés entre plusieurs autres joueurs ce qui dilue les revenus.

Le modèle d’affaires de journaux traditionnels étant conçu en fonction des revenus issus de la publicité et ces revenus étant en baisse, il en résulte une crise comme en fait foi l’extrait suivant tiré du site : les affaires

« Les Affaires.com obtiennent une copie d’une note envoyée à tous les employés. Celle-ci indique que les revenus de La Presse ont fondu de 23 % en juillet par rapport au même mois en 2008. L’équipe de direction du quotidien presse alors les syndicats de négocier un plan de réduction des dépenses. »

Il y a donc, actuellement, une baisse importante des revenus pour l’ensemble des journaux à travers le monde. Tout comme pour votre propre budget, il existe seulement deux façons de revenir à un point d’équilibre et à la solvabilité : diminuer les dépenses et/ou augmenter les revenus.

La première réaction de La Presse fut de réduire les dépenses. Dans un premier temps en cessant de produire l’édition du dimanche puis en tentant de sabrer dans les dépenses en personnel. À preuve :

 

« Le financement bancaire de l’entreprise est lié à la capacité de La Presse de mettre en place un plan de réduction des dépenses » Les Affaires

Pourtant, en stratégie, nous savons qu’un programme de réduction des dépenses ne constitue pas une stratégie d’affaires. C’est un réflexe de court terme visant à acheter un peu de temps. La perte de revenus issus du modèle d’affaires actuel ne cessera pas de s’intensifier. En fait, le modèle d’affaires actuel n’est plus viable. L’environnement dans lequel évolue La Presse et tous les autres journaux a changé.

C’est donc l’entreprise en entier qui est à repenser.

Soyez assuré que si c’est pour moi une évidence ce l’est aussi pour les dirigeants des différents journaux.

Alors pourquoi ne réussissent-ils pas à créer un nouveau modèle qui serait viable dans le présent contexte?

Mon hypothèse stipule qu’ils sont tout simplement victimes de ce que l’on appelle en stratégie « la dépendance de sentier » (Path dependency).

La dépendance de sentier:

 

« décrit le fait que les événements et les décisions sont conditionnés par la succession d’événements et de décisions qui les ont précédés » source: strategique.biz

La Presse est une institution centenaire. Plus l’organisation est vieille, plus le sentier qu’elle a creusé est profond et plus il est difficile d’emprunter un nouveau sentier. Le modèle d’affaires est si ancien, et le nouvel environnement si différent qu’il est très difficile pour les dirigeants des journaux d’en développer un nouveau.

Sortez de vos vieux paradigmes, embauchez des gens issus des nouvelles technologies, « Think out of the Box », travaillez en partenariat avec vos employés, détruisez votre sentier actuel, car c’est la seule façon d’être en mesure de développer un nouveau modèle d’affaires rentable.

Tout le reste n’est que distractions et pertes de temps.

Qu’en pensez-vous?

 

4 commentaires:

Pierre Fraser a dit...

Bonjour Gestionnaire Borg,

je pense qu'il faut aller plus loin qu'une simple remarque du type qu'il faut engager des spécialistes du Net et de "Think out of the box". Le discours voulant que les technologies soient une panacée aux problèmes économiques, sociaux ou autres est un leurre.

Les médias de masse et Internet fonctionnent différemment. Alors qu'Internet est dans le mode du flux de l'information, les médias de masse sont dans le mode de l'accumulation de l'information et de sa pérennité.

Le paradoxe est que bien que les gourous de l'Internet conspuent les médias de masse, il n'en reste pas moins que les sites les plus consultés par les Internautes sont justement ceux des médias de masse.

Le flux et l'accumulation de l'information sont deux notions incompatibles, mais pourtant complémentaires.

Unknown a dit...

@Pierre Fraser:

Bonjour M. Fraser et bienvenue sur ce blogue.

Je suis d'accord avec votre point de vue. Mon objectif était de démontrer que les médias traditionnels sont présentement incapables de développer un modèle d'affaires rentable (qui génère des revenus) dans ce nouvel environnement, et ce, même si leurs sites génèrent un important traffic.

Mon objectif n'était pas d'apporter des solutions. Je ne suis pas un spécialiste des médias et si j'avais cette solution je serais sûrement déjà riche. Mon point est que le sentier creusé est tellement creux que les gestionnaires de ces médias ne voient pas les autres sentiers potentiels.

J'aime la distinction que vous faites entre flux et accumulation de l'information.

Quant aux solutions, le débat est lancé.

Josée a dit...

C'est une certaine attitude face au changement qui empêche de trouver des solutions qui permettraient aux médias d'adapter leur modèle de revenu pour survivre: "L’obstination à se réfugier dans le passé pour y trouver des solutions à la façon d’adapter la production en masse à l’âge de la distribution digitale a été le plus grand obstacle à toute évolution durant la dernière décennie." (Fabrice Epelboin).

De toute façon, il est trop tard pour récupérer les revenus des annonceurs et du placement des petites annonces qui se sont tournés vers de meilleures offres. Il faudra, au plus vite, reconstruire le modèle économique.

riendutout a dit...

Je pense que les choses sont entrain d’évoluer et que le secteur de la Presse est de plus en plus conscient de ses nécessités d’évolutions et qu’il commence même à avoir une vision de ce vers quoi il doit tendre y compris en terme de Business Model:

http://site-communautaire.blogspot.com/search?updated-max=2009-10-07T03%3A14%3A00-07%3A00&max-results=3



Le problème c’est que Google a lui aussi une très bonne connaissance de cela et pourrait bien finir par convaincre les acteurs de la Presse d’adopter ses services de valorisation :

http://site-communautaire.blogspot.com/2009/09/google-veut-sauver-la-presse-grace-au.html



Néanmoins je ne suis pas sûr que cela soit favorable à la Presse de se jeter dans les bras de Google qui a lui aussi une vision bien défini de son partage de la valeur :

http://site-communautaire.blogspot.com/2009/09/google-news-et-presse-quel-partage-de.html