lundi 30 novembre 2009

Discussions Mintzbergiennes

Mintzberg

Henry Mintzberg, professeur controversé de l’Université McGill vient de publier « Managing » où il réitère son plaidoyer envers le gestionnaire ordinaire. C’est en tout cas ce qui ressort, de la lecture, d'un article du Journal Les Affaires sur la question.

Je ne m’en suis jamais caché, j’aime bien le professeur Mintzberg. Ses écrits permettent de faire avancer le management en plus de susciter des débats et des échanges très intéressants.

C’est d’ailleurs mon objectif que d’échanger avec vous sur trois idées avancées par M. Mintzberg lors de son entrevue avec la journaliste du Journal Les Affaires.

Vous trouverez ci-bas, trois citations de Mintzberg sur des éléments centraux du management. Je vous invite à commenter les éléments qui vous interpellent. Plus il y aura de commentaires, plus le débat en sera intéressant!

La première citation porte sur la stratégie. M. Mintzberg fait voler en éclat les préceptes mêmes de la stratégie, tels qu’enseignés actuellement.

Qu’en pensez-vous?

« La théorie en vogue veut que la stratégie s'élabore à partir d'analyse. Or, la stratégie ne relève pas de l'analyse, elle relève de la synthèse. On n'élabore pas une stratégie d'entreprise comme Moïse descendant de la montagne avec les dix commandements. La stratégie est apprise sur le terrain par les gestionnaires d'expérience capables de voir la forêt plutôt que les arbres. Elle peut prendre forme sans être formulée, et elle émerge à la suite de nombreux efforts d'apprentissage informels plutôt que d'être créée à partir d'un processus formel. Ikea est devenue ce qu'elle est lorsqu'un employé a voulu apporter chez lui un meuble en le mettant dans son auto. Il a été obligé de le démonter et s'est dit : pourquoi ne vendrions-nous pas nos meubles démontés? Pour moi, la stratégie se rapproche de l'artisanat plus que de la science. La science vient plus tard, dans l'analyse des données. Mais ces données ne forment pas la stratégie, elles permettent d'en programmer les conséquences. »

La deuxième citation réfère au métier même de gestionnaire.

« Ce métier est trop complexe pour qu'on y excelle. Tous les gestionnaires sont imparfaits. La solution est de les choisir autant en fonction de leurs défauts que de leurs qualités “pour qu'ils puissent bien gérer dans un contexte donné.”»

La troisième citation discute de certains paradoxes liés à la délégation.

« Le gestionnaire étant une banque de données défectueuse, comment peut-il déléguer une tâche à quelqu'un alors qu'il ne peut pas communiquer parfaitement les informations pertinentes à la tâche……Comment rester informé alors que la nature de la gestion est de nous détacher de l'action, de ce que l'on doit gérer ?»

Au plaisir de vous lire et d’échanger sur ces idées.

6 commentaires:

Swann Bouvier-Muller a dit...

Bonjour,

On vient de discuter un peu sur Twitter et décidément j'ai un peu de mal avec les concepts de Mindzberg et après définir ce que l'on entend par analyse et synthèse (dans le texte ci-dessus), je pense qu'il faut que je me penche sur le terme stratégie.

Analyse : ensemble de tableaux de bords et de compte rendu écrit par les équipes de l'entreprise (ok ?).
Synthèse : capacité à appréhender tous les aspects d'un problème, vision globale et non successive (ok again ?).

Stratégie : vision à long terme de ce que devrait être l'entreprise, des produits qu'elle vend et de sa position sur le (ou les) marché (toujours ok ?)

Maintenant que je me suis bien pausé et que j'ai mis mes petites définissions, il me semble que le terme stratégie peut recouvrir plusieurs niveau dans une entreprise. Il y a la stratégie comme décrite ci-dessus et la stratégie opérationnelle, celle qui consiste à mettre en oeuvre la vision. Pour cette dernière, il me semble évident que l'on doit s'appuyer sur des analyses et des tableaux de bords. Pour reprendre la métaphore de Ikea : "le boss a dit : "les gars, on fait du meuble en morceau maintenant" et il a confié à son second la tâche d'adapter les processus de productions". C'est donc le second qui lit les CR et autres chiffres pour déterminer si tout va bien et si on produit assez de meubles pour satisfaire la clientèle ("Mais ces données ne forment pas la stratégie, elles permettent d'en programmer les conséquences.").

Par contre, il me paraît tout à fait logique que la vision ne peut pas sortir des analyses. Puisque la vision doit être innovante et décallée, les analyses ne reflètent que ce que l'ont fait déjà (et si on le fait bien ou non). A contrario la vision c'est ce que l'on ne fait pas encore ! Or, comment être innovant si ce n'est en discutant avec des pairs, critiquant des idées etc... ? Je crois que c'est ce qu'indique Mindzberg en écrivant 'nombreux efforts d'apprentissage informels '.


My two pences :)

++
@swann_bm

PS : j'avais commencé à réagir sans avoir compris le texte.

Yvon MOUGIN a dit...

Comment souvent, la vérité n'est pas dans cette affirmation de Mintzberg ni dans son contraire. Une innovation (c'est l'exemple donné) peut conduire une stratégie de création d'entreprise mais pour un organisme existant, il doit y avoir analyse prospective des métas modèles autrement dit des éléments extérieurs qui conditionnent notre fonctionnement (la vie de notre entreprise) dans la durée. Parmi ces métas modèles on trouve les clients (les marchés), la règlementation, la technologie, la concurrence, des exigences sociétales telles que le DD par exemple, etc.). Je viens d'animer une conférence dans une librairie extraordinaire (2700 m2) d'exposition qui se situe à Bordeaux et qui est une entreprise familiale. Le métier de libraire est en pleine révolution (because le numérique) et tout le staff réfléchit et met en œuvre une stratégie pensée suite aux analyses. par exemple, les livres scolaires accusent une chute vertigineuse car les profs n'achètent plus les bouquins mais ils scannent des articles et les envoient sur les adresses de leurs étudiants. Les éditeurs proposent des fichiers numériques qu'ils vendent en direct sans passer par les libraires, etc. Il faut bien entendu ensuite la lecture innovante de ces analyses par le patron (et ses adjoints) en l'occurrence M. Mollat pour trouver des chemins stratégiques qui éviteront les embuches du futur. Autre exemple, ils connaissent les délais de livraison de leurs concurrents et ils savent (par analyses) que les clients web souhaitent des livraisons rapides. Ils s'organisent donc pour livrer sous 48 heures partout en France. C'était une de leurs orientations stratégiques des années passées.
Bref, ce n'est ni l'un ni l'autre mais il faut bien que Mintzberg créé la réaction en prenant parti.
Pour les autres affirmations, j'avoue que je n'ai pas très bien compris, certainement parce que je n'ai pas une image précise de ce que peut être un gestionnaire. Est ce un financier pur et dur ou une autre bête de cet acabit ?

Yvon MOUGIN

Yvon MOUGIN a dit...

J'ai oublié de vous donner l'adresse de cette admirable entreprise :
www.mollat.fr
Vous verrez ce qu'une librairie moderne peut faire évoluer son métier.

Unknown a dit...

@Swann:

Bonjour, bienvenue sur ce blogue et merci de poursuivre la discussion ici.

@Yvon Mougin:

Merci pour votre visite et pour les informations précieuses que vous nous avez partagées. La librairie dont vous faites mention semble très intéressante et je ne manquerai pas de visiter leur site web.

Pour vous deux:

Ma compréhension des idées de Mintzberg est qu'il continue à nous indiquer, l'importance qu'il accorde aux cadres intermédiaires.

La façon classique d'élaborer la stratégie est d'interpréter une série d'analyses (interne, externe (PESTEL), SWOT, etc.) De ces analyses, l'organisation décline ses enjeux stratégiques et élabore les stratégie lui permettant d'atteindre ses objectifs d'affaires.

C'est,très majoritairement, un processus Top - Down.

Ce que Mintzberg nous indique c'est que les cadres intermédiaires, qui ont une connaissance intime du terrain, savent instinctivement qu'elle est la stratégie à appliquer. Écoutons-les et développons et processus middle - top et middle - down.

Les analyses ne servent en fait qu'à lire correctement qu'elles seront les conséquences des stratégies déployées.

Bien évidemment c'est ma propre interprétation des propos de Mintzberg, le tout étant sujet à discussion.

Concernant le vision, je suis à l'aise avec l'interprétation qu'en fait Swann.

Au plaisir messieurs.

Swann Bouvier-Muller a dit...

Il me semble que cette vision mid-management que tu décris ne peut s'appliquer que dans des petites entreprises. Prenons le cas de Google et de Chrome OS. D'après certains (http://venturebeat.com/2009/11/27/what-are-googles-real-motivations-behind-chrome-os/) Chrome OS n'a pour objectif que d'infléchir les politiques globales d'interopérabilités du web et que ce projet fait parti d'un mouvement d'ensemble avec Androïde, le choix de l'open source, le langage Go... mouvement qui a pour objectif d'empêcher un groupe (type Apple avec son Iphone) de contrôler l'accès aux internautes (qui sont la source de revenu de Google via la publicité).

Nous avons donc un certains nombre de projets nés, sans aucun doute, au niveau du mid-management, mais qui sont utilisés à des fins autres que celles prévus par leurs créateurs. Tout cela n'a pu être pensé que par quelqu'un ayant une vu d'ensemble des forces, qui anticipe l'avenir et qui connait parfaitement son entreprise grâce à de très nombreuses analyses...

Il y a donc une limitation assez immédiate à l'emploi du mid management dans la conception de la stratégie.

Par ailleurs, si le mid-management faisait la stratégie. Quel serait le travail du top management ?

++
@swann_bm

Unknown a dit...

@Swann:

Comme tu le sais je ne suis pas nécessairement en accord complet avec les idées avancées par Mintzberg j'essaie simplement de les interpréter, de les comprendre et d'en tirer un enseignement.

Tu mentionnes:

«Tout cela n'a pu être pensé que par quelqu'un ayant une vu d'ensemble des forces, qui anticipe l'avenir et qui connait parfaitement son entreprise grâce à de très nombreuses analyses...»

Sur ce point je ne suis pas tout à fait de ton avis. Quelques fois ça se passe telle que tu le mentionne. À d'autres moments, il s'agit simplement d'un coup de chance, d'une conjonction favorable, d'un alignement planétaire, etc.

L'univers dans lequel évolue les organisations actuellement est extrêmement complexe et soumis à de multiples variables. Bien malin celui qui est en mesure de proposer une vision et une stratégie qui tiennent compte de l'ensemble de ces variables (données actuelles et futures).

Plusieurs inventions ne sont-elles pas le fruit d'accidents? Du hasard?

Donc la réalité se situe quelque part entre ces deux extrêmes. L'analyse et la planification pures d'un coté et la chance de l'autre.

Si je reprend mon interprétation des propos de Minztberg je ne crois pas qu'il dirait que le mid-management doit concevoir la stratégie mais plutôt qu'elle s'impose d'elle-même de par la connaissance étroite du terrain par le mid-management.

Quel est le rôle du top management dans tout ça?

Excellente question que je serai peut-être à même de répondre une fois la lecture du bouquin terminée.

A+