jeudi 15 avril 2010

Le système de santé du Québec et la gestion des attentes

epipen

Lors d’un précédent billet, nous avons discuté de la théorie enseignée par Jasmin Bergeron, professeur à l’UQÀM. Le principe théorique est fort simple, le niveau de satisfaction d’un client provient de l’écart entre ses attentes et le niveau de service effectivement livré.

En clair, plus les attentes du client seront élevées, plus il sera difficile de le satisfaire, et ce, pour un même niveau de service.

La très grande majorité des entreprises centrées sur la satisfaction de la clientèle tentent de jouer sur les deux tableaux soit d’une part en livrant le meilleur service possible tout en diminuant les attentes du client.

Par contre, d’autres organisations ayant compris le principe théorique utilisent une tout autre stratégie. Ainsi en est-il de notre système de santé.

Laissez-moi vous raconter….

Lors d’un récent souper, four of four, la plus jeune Borg de la famille, a fait, ce qui nous apparaît être une réaction allergique consécutive à l’absorption de crevettes.

J’en ai donc discuté avec son pédiatre qui m’a recommandé à un allergologue. Il me dit : «Il y a une clinique avec un allergologue de l’autre coté de la rue, habituellement ils sont assez rapides.».

Nous avons donc pris contact avec ladite clinique. Au premier appel on nous a indiqué que le calendrier du mois de novembre était complet et qu’il fallait les recontacter à la mi-avril, car, c’est à ce moment que le calendrier du mois d’août est constitué.

Nous avons, comme il se doit, noté un suivi au 15 avril afin de prendre rendez-vous.

Le 15 avril, nous recontactons la clinique. Évidemment, à ce moment, le calendrier du mois de mai était complet, on nous indique alors de rappeler au début, du mois de mai pour le calendrier du mois de juin…..

À force de discuter, la téléphoniste réalise que nous recherchons un rendez-vous pour un enfant de deux ans, elle s’exclame donc : «Haaaaaaaaa, mais c’est dommage, l’allergologue ne reçoit pas d’enfants, il faut que je vous réfère à l’hôpital Sainte-Justine pour ça.» Veuillez noter ici que ledit hôpital est spécialisé pour les enfants. Ne comprenant absolument pas comment un pédiatre peut référer un enfant à un allergologue qui ne reçoit pas d’enfants……..nous contactons l’hôpital.

Notre appel est reçu avec un éclat de rire qui n’augure rien de bon. La préposée nous fait part de sa surprise. Elle ne comprend pas pourquoi toutes les cliniques réfèrent les dossiers à Sainte-Justine. Elle nous explique qu’il lui fera plaisir de planifier un rendez-vous pour four of four, mais que le délai d’attente est de…..3 ans!!!! Disons que la petite est mieux d’éviter les crevettes à plus de 20 pieds pour les prochaines années sans quoi, il ne nous restera plus que l’urgence comme option. (Belle façon de désengorger le système en passant).

(Ici, veuillez noter l’admirable tactique afin d’abaisser nos attentes au strict minimum).

Après quelques précisions, nous convenons tous qu’un délai d’attente de plus de trois ans n’est pas convenable. Nous désirons explorer, avec elle, nos autres options. Il s’avère qu’il est possible de contacter certaines cliniques près de chez nous, elles sont au nombre de trois et nous obtenons les coordonnées tant désirées.

Premier essai; la clinique la plus près du domicile.

La téléphoniste nous répond aimablement et nous indique qu’ils sont disposés à planifier un rendez-vous, mais qu’il y a, par contre, un délai de………deux mois.

Et c’est à ce moment, précisément à ce moment, que la magie s’opère. C’est là tout le génie de notre formidable système de santé! Après tant de démarches, après avoir envisagé ne jamais avoir de rendez-vous, puis avoir songé à attendre trois ans, voilà qu’un délai de deux mois nous comble de bonheur.

Pourtant, de façon objective, pour n’importe quel autre type de service, un délai de deux mois nous ferait changer de fournisseur instantanément. Pourtant, dans ce contexte, un tel délai nous en semble non pas satisfait, mais bien, très satisfait!

Les attentes étant au niveau du sous-sol un rien nous comblent.

Ne trouvez-vous pas que cette histoire démontre, sans l’ombre d’un doute, la force de la théorie de la gestion des attentes?

Source de l'image: intropin

 

1 commentaire:

Mathieu Laferrière a dit...

En effet, je trouve que tu as raison. Et ton histoire ressemble à la maison des fous dans Astérix et les 12 travaux.

Lorsqu'on parle d'augmenter les impôts et tout le reste pour le système de santé, ça me fait pomper. Rajouter de l'argent dans un système aussi poche (je parle des processus, pas des gens) ne me semble pas la bonne affaire à faire.

Finalement, j'ai profité de ton billet pour chialer un peu :)